Ce sera le 5 septembre!

 

Cela faisait plusieurs mois que je m’étais fixé cette date, calée au premier de 10 jours de vacances en France avec ma chère et tendre. Et vu notre planning chargé ainsi que l’éloignement géographique du Grand Colombier par rapport à notre lieu de résidence, une autre tentative dans l’immédiat était tout à fait compromise. De plus cela fait un moment que je fanfaronne auprès de mon entourage que tel sera mon défit de fin de saison : accéder au plus haut grade de la confrérie en montant les 4 versant de ce col mythique en 24h. L’erreur n’est donc pas permise…

 

La veille du jour J, je me fais un petit topo dans ma tête.

Certes, jamais je n’ai fait par le passé autant de dénivelé ni escaladé 4 cols aussi durs en une seule et même journée. Certes, je pars dans l’inconnu en n’ayant jamais monté ne serait-ce qu’une seule fois le Grand Colombier. Mais, je me suis bien entrainé et je suis tout excité à l’idée d’arpenter de nouvelles routes. Serait-ce suffisant ?

 

C’est donc avec un peu d’appréhension mais super motivé que j’embrasse ma moitié à 8h45, coup d’envoi de cette folle journée. On commence par Artemare, non sans un premier coup de tampon sur ma carte. Le début de l’ascension se passe pour le mieux. Le moral est au beau fixe. Le temps est plutôt frais et couvert mais les faibles pourcentages permettent une bonne mise en jambe. Puis arrive Virieu le Petit et je sais que les choses sérieuses commencent… Je m’attendais à quelque-chose de dur et bien je n’ai pas été déçu ! Durant 4 ou 5 km, après chaque virage, la pente sévit toujours un peu plus jusqu’aux tant redoutés 19% ! C’est très simple je n’ai jamais fait aussi fort en pourcentage. Incroyable moment où on se retrouve littéralement planté tel l’alpiniste qui donne méthodiquement des coups de piolet afin de gravir la pente mètre par mètre. Nul doute que Michel a été de bon conseil en préconisant d’attaquer par ce versant. En aucun cas je me serais vu finir mon défit par un 19%, je ne m’appelle pas Dominique Briand ! (cf palmarès de la confrérie, ce membre assidu détient le record de montée, 9 !! en se permettant de finir par Artemare). Ceci dit, une fois ce passage gravi, jamais je n’aurais pensé pouvoir dire dans ma vie : « ouf, je récupère dans du 10% ! ». C’est pourtant le cas dans les 2 derniers kilomètres. Mais stupeur quand tout à coup je me rends compte qu’il va falloir que je finisse cette épopée par cette même portion… Une petite voix me dit que je ferai moins le malin. Toujours est il que j’arrive au sommet en 1h20, cela me semble rapide, vais-je le payer ? Pas le temps de cogiter, il fait un froid de canard, poinçonnage au dos du panneau et je bascule vers Anglefort.

 

Comme je le craignais, les descentes du Grand Colombier sont fort désagréables pour le cycliste frileux dans tous les sens du terme que je suis. Pour dire, il me tarde même de remonter pour me réchauffer même si ce coté s’annonce des plus coriaces. L’avantage du circuit de ce défit est que l’on descend tour à tour par la prochaine montée, ce qui permet un repérage bienvenu quant à la gestion de son effort. Faute de commerçant ouvert, poinçonnage au panneau et remplissage de bidon chez le généreux habitant. 10h45, c’est parti pour une montée qui me correspond mieux, régulière bien qu’exigeante. Par prudence, je m’économise dans la dernière partie moins pentue. Bien m’en a pris, je commence à ressentir de la fatigue et surtout un petit creux. Au sommet atteint en 1h25, je retrouve des amis qui tentent eux aussi de devenir « fêlés ». Tant mieux, je vais pouvoir faire une pause ravito copieux. Ils viennent de faire la montée via Artemare et me semblent encore frais, je ne peux pas en dire autant.

 

Nous descendons ensemble vers Culoz. Horreur, l’arrêt prolongé au sommet me donne froid sur la digestion, je grelotte et claque des dents. Dommage car les paysages sont sans conteste les plus beaux, c’est à mon avis le versant le plus joli. Je m’adonne au désormais rituel du coup de tampon effectué dans un bar PMU du coin en profitant de l’occasion pour commander un sirop d’orgeat, non sans attirer le regard agar des autres clients qui en sont à des boissons davantage dites « d’homme ». Je laisse mes compagnons de descente au centre ville. Ils veulent faire un gros gueuleton et en les accompagnant  j’ai peur de ne pas pouvoir repartir. Et pourtant justement après à peine quelques centaines de mètres en direction du col, 2 débuts de crampe s’invitent dans mes 2 cuisses simultanément ! Arrêt immédiat, tout le monde descend ! Repos forcé et je commence à douter… Encore 2 montées et déjà des crampes, sûrement la conséquence irrémédiable de mon coup de froid sur la digestion. Le doute m’habite, je cogite mais me rappelle que je ne serai pas là tous les jours, alors au bout de 25min, retour en selle et c’est reparti pour un tour. Pas de risque, tout à gauche, tant pis si le chrono est moche. Je scrute mes sensations et guette le moindre embryon de douleur annonçant la crampe, surtout dans le passage à 14%. Ouf, tout va bien, le moral revient mais je sens mes forces de plus en plus limitées. Le chrono est là pour me le confirmer : 1h36. Il fait toujours aussi frais au sommet, le soleil est clairement mis en cause il n’a pas encore pointé le bout de son nez depuis le début de la journée.

 

Allez, sans trop réfléchir, j’attaque une nouvelle descente. Cette fois ce sera Champagne en Valromey. Il parait que c’est la plus facile, toujours est-il qu’il y a au moins en cumulé 4 km à 10% ou plus… Dont les 2 derniers. Pas à la portée du premier cycliste éreinté. Arrivé en bas, dernier coup de tampon pour la route, dernière barre pour éviter le coup de barre, remplissage des derniers bidons et hop on retourne s’accrocher au guidon. Aucune giclette dans cette dernière montée, tout ce fera au mental, je redoutais le dépassement intempestif d’une horde de cyclistes mais rien de tel. Tant mieux pour mon ego. Me voilà englué dans un rythme que je ne peux en aucun cas changer, les jambes font très mal mais me permettent toujours d’avancer. Le sommet se rapproche et le soleil fait enfin irruption ! Bon pour le moral. Enfin les 2 derniers km et cette foutue ligne droite interminable qui me semble t il est 2 fois plus longue que ce matin. Qui est venu la rallonger entre temps ? Surement un mauvais plaisantin… Dernier virage, dernier coup de pédale, ca y est me voilà une 4eme fois au sommet! A bout de forces, je n’en mène pas large. Mais petit à petit, j’esquisse un sourire qui devient une vraie banane ! Oui, désormais, appelez-moi « Grand Maitre » ! Et fier de l’être. 1h28 pour cette dernière ascension.

 

Le Grand Colombier est un superbe lieu qui héberge plus de vaches et de barrières canadiennes que d’automobilistes. Un véritable havre de paix pour cyclistes en quête de beaux paysages et d’exploits sportifs. Il semblerait qu’il en soit de même pour son voisin le col de la biche, l’occasion d’une prochaine virée ? Merci Michel pour la création de cette confrérie et à bientôt pour un défi bugiste ??

 

Romain DUMOND - septembre 2015