Le "Défi Bugiste" à vélo couché
Dans ma ligne de mire depuis plusieurs années, il y a toujours eu des imprévus et des contretemps venant s’intercaler entre mes velléités et la réalisation de ce beau défi.
Il faut bien le dire, avec ces 200 km ce défi ne me nécessite pas la prise d’un jour de congé ou le dégagement d’un weekend, mais ce genre d’organisation est plus propice à subir des changements de dernière minute.
Commençons par présenter la bête, ou plutôt les bêtes car il y en a deux : Le Grand Colombier et le col de la Biche.
Dans l’ensemble ils comptent 6 ascensions et le règlement des fêlés stipule qu’il faut les faire dans l’ordre du circuit (qui est en boucle) qu’ils proposent mais avec un point de départ au choix.
N’ayant pas beaucoup de temps -entre deux jours de travail- j’ai choisi exceptionnellement d’y aller en voiture afin de m’éviter de rouler 90 km a/r supplémentaire, puis, il faut bien le dire, en laissant la voiture au sommet du Grand Colombier je me fais un point de ravitaillement idéal et je n’aurais donc pas besoin de chercher des points d’eau ou de la nourriture en bas, ni de me traîner tout mon barda en permanence.
Etant donné que le défi compte 7045 mètres de d+, ce dernier point apporte un confort plus que bienvenu.
Les montées dans l’ordre que je les ai roulées :
Culoz – Grand Colombier : Longueur 18,3 km – d+ 1262 m – Pente moyenne 6,89% - Pente max 14%
Cette montée est taillée dans la roche dans ces premiers km dans une successions de S très sérés et par grand chaud l’ensemble se transforme volontiers en four à radiation. Afin d’éviter ces désagréments -cause de quelques montées en ébullition en ce qui me concerne- j’ai donc décidé d’en faire ma première montée, à 6.30 du matin.
Champagne – Col de la biche : Longueur 13 km – d+ 840 m – Pente moyenne 6 % - Pente max 12%
Une montée plutôt simple qui se passe partiellement à l’ombre de la forêt, même si à ce moment j’en aurais pas encore besoin.
Anglefort – Grand Colombier : Longueur 15,7 km – d+ 1221 m – Pente moyenne 7,77% - Pente max 14%
La montée à la pente moyenne la plus forte, elle m’a toujours plutôt convenu car il faut bien le dire, en vh ce sont normalement les gros pourcentages qui sont le plus pénalisants et cette montée n’en comporte pas tant.
Artemare – Virieu le Petit – Grand Colombier : Longueur 15.9 km – d+ 1243 m – Pente moyenne 7.81% - Pente max 22% (28% sur Strava)
Elle fait peur celle-là avec ces gros pourcentages. Aussi, je serais dessus en plein après-midi et la journée promet d’être chaude. Petit avantage : les gros pourcentages se roulent à l’ombre de la forêt.
Gigniez – Col de la Biche : Longueur 14 km – d+ 1009 m – Pente moyenne 6,89% - Pente max 14%
Départ très très pentu et montée avec très peu d’abri sans parler du final à rallonge. Quelqu’un qui ne connait pas pourrais facilement croire d’être arrivé 5 ou 6 fois.
Champagne – Grand Colombier : Longueur 19,2 km – d+ 1042 m – Pente moyenne 6,75% (sur les 15 derniers km) - Pente max 14%
Montée du GC la plus facile. Pour autant que 15 km à 6.75 % puissent être appelés faciles !
Voulant initialement me lever à 3h30, je me suis encore une fois décidé à la dernière minute de grapiller 30 minutes de sommeil en plus.
Au final, dormir un peu plus m’apportera plus que partir une demi-heure plus tôt. En fait, ce n’est que le lendemain du défi que ça m’apporterait un (petit) problème car je suis sensé me levé à 5h30 pour aller au boulot. Je ne vous dis pas comme tout ça est dur pour moi qui ne suis pas du tout un lève-tôt !
La voiture était chargée depuis la veille bien-sûr et après un petit déjeuner sommaire je pars direction le Grand-Colombier. Etonnant de faire cette route en voiture. Plusieurs dizaines de fois je suis déjà passé par là en vélo (sur des petites routes parallèles) pour aller rouler dans la région. Je me sens prèsqu’un usurpateur . Mais voilà, c’était le seul moyen de faire ce défi et je sais que beaucoup de monde le fait de cette manière, c’est-à-dire en laissant une voiture ravitailleuse au sommet. J’ai même lu des récits de personnes qui ont fait le défi (ou celui des fêlés) avec une voiture ‘suiveuse’ pas loin en permanence. Chacun fait comme il veut donc (Et souvent comme il peut)
En arrivant en haut il fait déjà jour et j’ai une magnifique vue sur le massif du Mont Blanc. Il y a un vent à décorner les animaux cornus (à l’exception des bovidés aux alentours qui semblent avoir des cornes windproof)
Je prépare le vélo et tout le matos et le pose contre le panneau du col. Je me décide de rapprocher la voiture pour la mettre juste à côté du panneau. Alors que je suis tout seul sur le col, le temps de rejoindre la voiture qui se trouve à une petite centaine de mètres, et une voiture type berlingot s’arrête à côté de mon vélo, un type en sort et marche vers le Pelso. Aussitôt quand il m’aperçoit m’approchant en voiture il fait demi-tour et part en trombe avec sa voiture. Je suis pantois … Y en a qui n’ont pas besoin de grande chose pour être convaincu qu’un matériel quelconque a perdu son propriétaire.
Je crois que c’est la première fois de ma vie que je me dépose au sommet d’un col pour commencer à faire du vélo et ce n’est pas désagréable. Au moins ça permet de bien faire la reconnaissance de la route afin de la remonter peu après à fond la caisse sans prendre le risque de taper dans des cailloux, des branches ou encore de glisser sur du gravier .
La vallée du Rhône me montre des couleurs magnifiques mais la pente m’oblige à prêter attention à la route, j’arrive tranquillement aux derniers kms de la descente et Culoz semble à peine réveillé.
En fait en traversant la petite ville je dois me rendre compte qu’elle est tout simplement encore dans un sommeil profond, je ne croise qu'un piéton et pourtant il est déjà 7heures du matin.
Je fais demi-tour en bas et entame plein d’envie cette première montée. Au vue de mes ‘déboires’ avec la chaleur sur cette montée j’en suis sûr que ça se passera mieux cette fois-ci.
Je commence quand-même assez calmement car la descente ne m’a évidemment pas du tout permis de m’échauffer.
Au fil de la montée la lumière change et le soleil est déjà bien là quand j’arrive dans le S mais l’heure matinale me préserve de la chaleur qui se fait encore attendre.
Quelle joie d’être là , vraiment, c’est la première fois que j’arrive autant à profiter de cette montée et aussi d’exploiter à fond les nombreux relances qui se présentent à partir du 8-ième km.
C’est donc sans surprise que j’arrive en 91 minutes en haut avec une intensité moyenne de 73% de ma fc. Bref, c’est chouette de pouvoir monter assez rapidement sans s’épuiser.
D’ailleurs, j’avais dans l’idée de faire les premières trois montées rapidement pour ensuite prendre les suivantes comme elles venaient. De toute façon, avec la chaleur de l’après-midi il était hors question de ne pas y aller molo pour la 4-ième et 5-ième montée.
Je profite une petite 15-ine de minutes de mon espace ravitaillement avant de redescendre.
Ayant choisi la montée de Culoz comme la première, le reste du parcours m’était imposé pour rester conforme au circuit du défi.
Il fallait donc que je rejoigne Champagne-en-Valromey avant de faire la montée du col de la biche. Des travaux à Lochieu m’ont fait me précipiter à suivre les panneaux de déviation alors qu’après coup il me semble que ce n’était pas nécessaire. Ah oui : en préparant mon vélo en haut du col ce matin j’ai infructueusement cherché mon Garmin Edge, du coup je n’ai pas de trace à suivre (ce qui n’est pas trop compliqué ici) et je n’enregistre le parcours que sur ma montre Fenix.
C’est donc avec un peu de retard sur ce qui était possible que j’arrive à Champagne. Histoire de 15 minutes au plus je pense. J’aurai bien voulu attaquer une pente plus exigeante en deuxième partie mais voilà, le parcours étant ce qu’il est je me lance pour le col de la biche. Comme prévu rien à signaler pour ce col que je monte que pour la deuxième fois.
La traversée du vallon en haut avec ce montées et descentes se fait aussi bien rapidement et je me réjouis de la descente direction Gigniez qui s’offre à moi : la route y est large mais le revêtement assez pourri, une vraie paillasse à évier. C’est l’occasion idéale pour tester les réactions de mon nouveau cadre.
Quelques pointes de vitesse sur un vélo qui sautille et lève parfois les deux roues à la fois mais n’oblique pas d’un décamètre de sa trace ni ne plie sous les nombreux assauts routiers me confirme les qualités du cadre.
Bien rapidement je me trouve à Gigniez et je me dirige vers Anglefort où est l’accès à la pente qui selon certains est la plus sous-estimée du Colombier mais qui ne m’a jamais particulièrement posée problème non plus.
Je profite d’un petit abri sous les arbres à côté d’une fontaine 100 mètres après le début du col. Emplacement juste parfait avant d’entamer le travail.
Je repart après un bon quart d’heure et je me sens toute de suite à l’aise.
J’avais bien l’intention de faire de cette montée la dernière à monter à encore à un bon rythme. Je ne savais pas que mon vœux allait être aussi bien exhaussé.
Alors que je m’approche de l’intersection avec la montée qui vient de Culoz, je me fais dépasser à allure élevé par quelques jeunes anglais qui visiblement viennent faire leur col de la journée.
Ils roulent trop vite pour moi pour que je puisse tenir leur vitesse mais je décide tout de même d’essayer de rester un moment dans leurs roues pour profiter de ‘l’aspiration’. C’est alors qu’un troisième arrive qui me dépasse avec beaucoup de peine (ça a pris plusieurs minutes ; je me suis rendu compte après qu’il ne faisait pas partie de leur groupe car il parlait français) et je vois au loin derrière moi encore deux autres qui semblent me rattrapper.
Profitant de ma (peu) de connaissance de la montée je décide de laisser passer le troisième avec son beau Pinarello pour le suivre de près et d’attendre le faux plat juste après l’intersection pour le redépasser et profiter de chacune des relances après pour garder mon avantage.
C’est exactement ce qui s’est passé. Avec les deux anglais supplémentaires qui s’approchaient de plus en plus je me suis rendu compte que mon camarade de jeu français avait lui de plus en plus de peine à garder le rythme, peu après la première barrière canadienne il m’avait redépassé, certes, mais dans la finale il y avait encore une relance juste avant le mur de fin.
Alors que la dernière relance ne m’a pas suffit à redépasser le Pinarello, c’était à mon tour de faire un dépassement très lent sur les derniers hectomètres. Et c’est là que mon compagnon de route craque totalement et que je le laisse sur place. J’arrive en haut avec les deux anglais qui ont tout juste réussi à me rattraper.
90 minutes de montée (sans la pause du début) à 200 Watts moyennes et 80 % de FC.
A vrai dire ça ne m’a jamais fait peur de rouler à bout un moment en LD, que ce soit sur 200 ou 600 km et je sais qu’une petite pause en haut me permettra de me refaire avant de continuer.
Arrivé en haut je remarque que le soleil devient cramant. Normal, il est 13h15.
Après une petite pause, je file en bas pour rejoindre Artemare.
Si je dis filer en bas c’est un euphémisme. Ca roule bien, le vélo me fait confiance, la tenue sur la route, certes pourrie, est parfaite et je me lance comme une bombe dans le raidard que je devrais remonter toute à l’heure. Il n’est plus question des 80 à l’heure du début de la descente mais je roule vraiment vite et les virages me laissent la visibilité qu’il faut pour me rendre compte de l’éventuel -et rare- traffic en face.
Je ne vais pas en dire plus, parfois je descends vraiment très vite, mais toujours sans forcer. C’est-à-dire quand j’ai l’impression que la descente se passe fluidement sans prendre spécialement des risques il m’arrive d’y aller vite. Mais là je suis bluffé ce que ça peut donner sur une descente technique.
Arrive le moment de faire le chemin inverse.
Même si je suis capable d’enchaîner les montées sans les connaître -sans les avoir étudié donc et de connaître ni la longueur, ni la pente ni les caractéristiques des tronçons à venir- je reconnais volontiers que le fait de les connaître justement peut apporter pas mal de soulagement mental lors des difficultés.
Le début de la montée depuis Artemare est gentillet, un peu de pente en alternance avec des faux plats montants jusqu’au début de la forêt après Virieu. Puis la pente moyenne des 9 kms suivants est de 10%, là-dedans se retrouve 5 kms à 12%, là-dedans 2 kms à 14%, 1,5 km à 16% et les fameux 300 mètres à plus de 20% (28 selon les données de Strava, 22 officiellement mais il paraît que c’est simplement pour avoir le droit de goudronner la route (jusqu’à 22% max))
En m’approchant de Virieu-le-Petit la température devient de plus en plus infernale. C’est vrai qu’il n’y a pas le moindre abri dans les premiers 6-7 kms et la pente est quand-même bien exposé sud.
Je décide de continuer jusqu’à Virieu-le-Petit sans prendre de pause (j’en prends de toute façon pas lors des montées mais là il fallait faire une exception pour me protéger) puis je savais qu’il y avait quelques bassins où j’allais pouvoir me rafraîchir.
Quand je regarde dans le premier bassin je dois constater qu’il y a plus d’algues que devant l’ensemble des côtes bretonnes réunies. Bref, je m’arrête, je me mouille la casquette et les bras et je continue. Deuxième bassin idem, mais la chaleur est tellement forte que je deviens plus téméraire : je me mouille plus abondamment surtout mon maillot que j’ai enlevé pour le tenir sous le jet.
Puis, devant e troisième bassin (en à peine 300 mètres) il y a toujours d’algues mais je n’hésite pas : je plonge tout entier dedans. Ca m’a fait un bien fou.
La chaleur était tellement élevée (ma montre fenix n’est jamais descendu en-dessous des 36° sur cette première partie de la montée et est resté un bon moment à 39°, je sais bien, c’est une montre bracelet, mais quand-même) que j’étais content d’arriver dans la forêt.
Il n’y a pas dire, savoir que l’on a un vélo ultra stable m’a permis d’entamer sereinement les forts pourcentages et c’est sans stress aucune et en ligne droite que j’ai fait la totalité de la montée qui traverse la forêt, soulagé d’être à l’abri du soleil.
Puis la suite, de la montée, soulagé d’être sortie de la forêt .
Pour revenir sur la connaissance de la montée à venir, à ce genre de moments, je fonctionne entièrement par objectifs. Des connus, s’ils existent (jusqu’à la sortie de la forêt, jusqu’à cette fontaine), ou des inventés sur le moment si les premiers font défaut (des objectifs de distance, visuels, etc) ça fonctionne vraiment très bien pour moi. Mais j’imagine que c’est pareil pour tout le monde.
Avec les plus grandes difficultés derrière le dos, qui n’était pas celle imaginées en amont, le final du col de ce côté, pourtant réputé très dur, est passée comme une lettre à la poste.
Et voilà 4 montées de faites !
Je prends une bonne pause d’une demi-heure, une dernière car je ne reviendrai plus ici avant la fin car le restant du parcours passe d’abord par le col de la Biche, puis par Champagne pour la dernière montée du Colombier. Pour le reste, il est 17h quand je repars, c’est-à-dire 10h30 après mon départ. Je sais bien que de tenir un délai de 15h n’est pas possible mais au même temps j’espère ne pas dépasser plus de 15h30 n’en plus. Je décide de ne vraiment rien lâcher tout en sachant que j’arrive petit à petit au bout de mes forces.
Dernière descente dans la vallée du Rhône, le col de la biche m’attends et depuis Gigniez ce n’est vraiment pas une mince affaire !
Premiers 11km à 9% avec un véritable mur en guise d’accueil, il faut être fin prêt pour entamer cette montée sereinement et là je suis plutôt fini.
Mais avec la fin d’après-midi la chaleur commence à tomber et ce que j’aime à ce col -entre autres- c’est sa régularité. Plutôt rare pour la région. Il n’y a que le haut qui est une véritable arrivée à rallonge.
Je peux donc être plutôt content de ma montée de 91 minutes, seulement 7 minutes plus long que ma montée la plus rapide.
Pourtant ça n’a vraiment pas été facile car mon corps avait tout le temps envie de se relâcher. J’ai dû varier ma cadence de pédalage dans l’espoir de susciter un peu d’intérêt pour cette montée de la part de mes pauvres jambes qui commençaient à être à bout.
Je sais que plus que j’accepte le relâchement plus qu’il sera difficile de le combattre et plus qu’il y aura une demande supplémentaire. Alors la réponse était, certes modestement, mais njet !
Arrive le sommet en tobogan avec surtout des bouts montants et enfin le col avec le panneau.
Je suis heureux d’être arrivé jusqu’à là. Reste plus que la descente (durant laquelle j’ai aperçu une bpni (boule de poiles non-identifiée) qui traversait la route) et la dernière montée vers le Grand-Colombier. La montée la plus facile mais qui est -comme j’ai expliqué plus haut- pas si facile du tout. Mais d’avoir garé la voiture en haut motive quand-même pour remonter .
Après la descente du début (c’est comme ça depuis Champagne, la montée commence par une descente … ces jurassiens !) il me reste à faire 15 km à 6,75 %. Beaucoup de cols alpins n’atteignent pas ces chiffres …
Pour une première fois pour moi sur le Grand Colombier je me fais accompagner par le soleil du soir. Vers la fin de la montée la lumière rosée, puis les lueurs vespérales transforment tout bout de rocher le moindre petit peu exposé à la lumière dans des miroirs magnifiques de ce soleil qui se couche. Malheureusement mon appareil photo -pourtant payé à pris d’or- ne rend pas du tout la beauté du moment.
Dans le tout dernier km, pourtant bien raide à 11%, j’ai le bonheur d’avoir le vent dans le dos et il souffle même suffisamment fort pour que j’en retire un effet bénéfique !
Bref, je suis parfaitement heureux de cette journée et s’est dans cette esprit là que je termine ces derniers kms !
J’arrive 15h30 après mon départ.
Laurent DENE (alias BISON COUCHE) - juin 2018