Fais-les les 4 montées, si tu veux être fêlé.

 

Comme je ne m' étais pas fatigué de Paris à Brest et retour jusqu' à Paris, je voulais profiter de ma grande forme pour me fêler le Grand Colombier - pardon - pour tenter d' accéder à la confrérie des fêlés du Grand Colombier.


De quoi s' agit-il? Hé bien, comme il y a 4 montées possibles au Grand Colombier (1501 mètres d' altitude au dessus du Rhône et du Valromey, vers Culoz), les cyclos du plateau d' Hauteville ont créé une confrérie pour tout ceux qui en feraient au moins deux "entre le lever et le coucher du soleil" et que "ceux qui espéreraient en faire plus de 4 feraient bien de réfléchir avant". Des côtes de 15 à 21 kilomètres avec plus de 1200 mètres de dénivelé pour 3 d' entre elles et un bon millier pour la petite quatrième.
J' avais déjà tenté les 2 plus dures pour le plaisir et je m' étais trouvé bien fatigué à la fin de la deuxième. Mais là je me sentais en pleine forme et pas fatigué par un mois d' août très calme grâce à la canicule et un PBP tranquille.


Mercredi matin à 8 heures 46 j' étais donc à pied d' oeuvre à Artemare après 2 petites heures de voiture et une tarte aux pêches et un croissant (faut bien pointer sa carte chez un commerçant pour faire valider les montées). Après Virieu-le-petit j' attaque la partie la plus dure (4,5 km à 12% de moyenne) avec un chevreuil qui broute au bord de la route dans la forêt, lève le nez mais hésite à me voir puisque je vais droit sur lui à 150 mètres et que mon image ne se modifie pas très vite (7 km/h); enfin il prend peur et détale ... Je suis maintenant dans les terribles passages à 19% signalés par la DDE, d' abord sur 500 mètres puis sur 1,5 km (en fait les 1,5 doivent englober les 500?). Je monte à 5 ou 6 à l' heure en prenant toute la largeur de la route et je n' en ai pas honte du tout, surtout que je compte m' arrêter pour faire une photo à chaque panneau signalant la pente (pour les automobilistes qui descendent c' est-à-dire à la fin de chaque tronçon). Je rejoins alors la route qui monte de Lochieu (et un autre cyclo qui en vient) avant de me reposer sur les 2 ou 3 kilomètres de faux-plats (montants évidemment!) qui précèdent les derniers kilomètres plus pentus dans l' alpage. Toujours aussi aériens cette longue ligne droite vers le ciel puis le retour vers le sommet. Je photographie le panorama sur toutes les Alpes du Nord pour la première fois, histoire de voir comment il va évoluer dans la journée. Une heure cinquante d' efforts soutenus et je dégringole les 2 kilomètres jusqu' à l' auberge du Grand Colombier pour déguster ma première tarte aux myrtilles de la journée accompagnée de sa menthe à l' eau traditionnelle chez moi.


Puis je descends sur le versant est la route que je vais devoir remonter. Presqu' arrivé en bas je croise un cyclo qui monte assez vite et que je ne reverrai jamais malgré les conseils de l' épicière d' Anglefort qui me conseille, quelques minutes plus tard de l' accompagner puisque lui-aussi, semble-t-il, a fait tamponner son carton chez elle. Cette montée, un peu plus au soleil que la précédente est la plus soutenue mais ne compte pas de pourcentage supérieure à 14% et un peu de répit 5 kilomètres avant le sommet. Je la réalise calmement en 1 heure 55 environ et retourne à l' auberge pour un coup de tampon et ma deuxième tarte aux myrtilles. Je ne me sens pas fatigué et envisage les 4 montées: je verrai après la troisième s' "il reste encore quelqu' un sur le vélo".


Je descends donc reconnaître le côté Lochieu, réputé le plus facile, mais le plus long depuis qu' il n' y a plus de commerce dans ce hameau et qu' il faut prolonger la promenade de 6 kilomètres environ, jusqu' à Champagne en Valromey . Il fait chaud en ce milieu de journée (14 heures et donc midi au soleil) et à cette faible altitude (autour de 300-400 mètres?) et je profite du bar "chez Hervé" pour avaler une menthe à l' eau complémentaire et me détendre un peu les jambes. La montée est en effet beaucoup plus facile que les 2 autres avec aussi des passages à 14% maximum certes mais assez courts et très bien abrités dans la forêt. Je monte bien régulièrement et recommence ma photo au sommet et ma tarte à l' auberge après 2 heures de pédalage.


Il est donc 16 heures 30 quand je plonge vers Culoz et la dernière partie de la journée. Le gros du parcours sera à l' ombre côté est et il me faudra rester calme dans les lacets du bas exposés au soleil déclinant mais encore bien présent. Je me régale de 3 pêches achetées à Culoz et réserve 2 bananes pour les pauses dans la montée. Je m' élève au dessus de l' agglomération, du Rhône, des marais de Chautagne et du lac du Bourget qui apparaît de mieux en mieux. Je profite du paysage et sens que je flâne un peu mais en l' absence de douleur et de toute fatigue excessive, je rejoins la route qui vient d' Anglefort et attaque les derniers 4 kilomètres présentant des passages à 14%. Je monte lentement - souvent à 6 km/h - mais sûrement et vers 19 heures 30 je savoure un thé à l' auberge (toujours la même). J' aurais mis 2 heures 15 pour cette dernière partie mais à part un peu de lassitude, je rêve déjà de mon retour chez moi.


Il ne me reste plus alors qu' à redescendre par le côté déconseillé, c' est-à-dire dans la forêt vers Virieu-le-petit et j' ai bien fait puisque j' ai l' honneur d' y croiser Monsieur Blaireau (70 cm de long et 20 kg d' après Larousse). Il reste tout étonné de me voir descendre et ne détale qu' après que je l' ai croisé. Quel calme sur cette montagne!
J' ai roulé pendant 140 kilomètres et effectué plus de 4700 mètres d' élévation, soit un peu plus qu' au BRA en ne rencontrant qu' une vingtaine de voitures - dans lesquelles beaucoup d' admirateurs m' ont salué, pouce levé - et, surtout, je suis donc bien complètement fêlé et, naturellement fier de l' être.

 

Pierre Sonzogno - août 2003