Privée de Champagne, le jour de mon anniversaire

 

Cette année, notre projet de voyage itinérant en cyclo-camping, ne nous transportant pas hors de nos frontières, nous décidâmes de l’agrémenter de quelques fantaisies. Les deux axes essentiels étaient un Antibes-Thonon par les Préalpes à la manière de Rossini en cyclo-camping, l’autre la traversée du Massif central, du Nord au Sud de Roanne à Mazamet*avec 3 amis de club et voiture suiveuse (le luxe !).

Nous projetâmes lors de l’aller en vélo d’Albi-Antibes, un arrêt au Ventoux dont nous sommes devenues cinglées, et en passant, une ascension du Signal de Lure qui manquait à mon palmarès. Nous y ajoutâmes lors de la transition Thonon-Roanne, le Grand colombier et enfin un séjour en étoile dans le Haut Jura autour de Saint Claude. Le menu était copieux mais notre appétit de grimpette est féroce.

Tout se déroula très bien jusqu’à ce jour du 26 juillet de grande importance pour moi puisque chaque année j’y déplore un an supplémentaire. Ce jour-là donc, nous nous trouvions à Seyssel au pied du Grand Colombier.

Délestées de nos sacoches (11 kg pour ma coéquipière, 18 pour moi pour un besoin de confort bourgeois supérieur au sien !), nous partîmes donc à l’assaut de ce sommet dont j’avais tant entendu vanter les pentes mais que j’allais découvrir. Ma compagne il y a quelques années, y avait cassé une manivelle en s’échinant dans la montée d’Artemare dont elle gardait un souvenir parfait.

Etant basées au camping municipal de Seyssel, nous décidâmes de commencer par la face d’Anglefort, village le plus proche, de continuer par Artemare et de terminer par Champagne suivant les conseils de l’organisateur. Trois montées nous semblaient raisonnables la quatrième un peu moins.

 

Il était 6h30, il faisait déjà 20° en cette période de canicule lorsque nous poinçonnions nos cartes à la pancarte d’Anglefort. Nous voilà parties avec nos vélos allégés et pour ma part des braquets de cyclo campeuse (24-36-48 pour les plateaux et pignons de 13 à 30). J’avalais facilement, en restant « en dedans », les pentes de la première montée, le haut de l’ascension permettant des vues plus larges et plus intéressantes que la longue première partie dans les bois.


 

A 8h30, nous atteignions le sommet : coup d’œil prolongé sur le panorama, poinçons, photos avec cette lumière matinale et nous plongeâmes vers Artemare. « 19% sur 1500m », le panneau a un peu paniqué ma coéquipière pourtant solide descendeuse.

Moi qui suis allergique à ces « je descends, je tourne le vélo et je remonte » commençai à me demander où je m’étais engagée.

 

 

 

 

 

 

A Artemare, après quelques courses et un solide ravitaillement, à 9h50 et 26° à l’ombre, nous changeâmes de braquet et entamions la remontée.

 

 

 

 

Dans le bas, tout se présentait bien. Dès que l’on attaqua la partie à 14%, je me plaçai sur mon 24x28 gardant le 24x30 pour la suite. J’entendis alors un bruit de frottement de ma chaîne sur la fourchette du dérailleur avant. Je pensais que mon dérailleur s’était peut-être un peu déréglé lorsqu’en me mettant en danseuse, j’aperçus une vis tenant une des cheminées de mon petit plateau dépasser anormalement. Je m’arrêtai illico ayant eu l’année dernière quelques problèmes avec ces fixations de cheminées dévissées à plusieurs reprises. Mon vélociste, constructeur de ma belle randonneuse de 3 ans d’âge, avait décidé de remplacer l’alu par de l’acier et cela juste avant mon départ.

Encore optimiste puisque je n’avais fait que 2000 km depuis cette réparation, je sortis mes clés allen, je resserrai cette première cheminée qui me semblait tourner dans le vide. Je vérifiai les trois autres : la tête de la deuxième se cassa en plaçant la clé, la troisième était bien fixée, la quatrième cassa aussi.

Mon optimisme se déglingua et je prévins ma coéquipière que sûrement je n’irais pas loin.

Dans l’épingle qui clôture la partie à 14%, je m’arrêtai pour resserrer ce qui restait à serrer ; puis je repartis, en m’appliquant à rester assise  et en espérant…

*Raid du Massif Central randonnée permanente organisé par l’Union Vélocipédique Mazamet

 

Mon espoir fut vite déçu. Un kilomètre plus loin, j’entendis un premier « clic » suivi demi coup de pédale plus loin par un « crac » : mon petit plateau s’était arraché ! Je n’eus que le temps de mettre pied à terre.

Si mes quatre cheminées venaient de fumer, je peux vous certifier que je fumais aussi !!!

 

 

 

 

 

Je terminai à pied les 500 derniers mètres, poussant mon vélo, chose qui en 35 ans de cyclotourisme ne m’était jamais arrivée même dans les conditions les plus difficiles. Et aujourd’hui, jour de mes … ans, ce ne étaient pas mes muscles qui me lâchaient, mais de vulgaires vis qui craquaient !!! J’étais furieuse et le mot est faible !

 

 

 

Au carrefour de la D120C avec la D 120, je solidarisai à l’aide de chatterton et  collier rizlan qui traînent toujours dans ma sacoche, mon petit plateau avec le cadre, de manière à pouvoir continuer avec mes deux plateaux restants.

Heureusement, la pente des 4 derniers kilomètres n’étant pas trop prononcée, je passai  avec mon 36x30 sur mon pauvre vélo qui me semblait amputé.

 

 

 

 

 

Au sommet, à 12 h 15, nous décidâmes de pique-niquer en modifiant le programme initial : nous allions descendre sur Culoz où nous savions qu’il y avait un vélociste (cf. la manivelle cassée par ma coéquipière et remplacée chez lui).

 

 

 

 

 

Si la réparation s’avérait possible et assez  rapide, nous envisagions encore la troisième remontée soit par Culoz soit, comme initialement prévu, par Champagne, en ralliant ce village par la plaine.

Nous descendîmes à Culoz. Le vélociste, malgré tous ses efforts, dont je l’en remercie, ne pu réparer mais téléphona à son collègue de Belley, le vélociste de « Cap Cool ».

J’hésitai entre foncer à Belley ou tenter, sans petit plateau, la troisième montée. Les 3 chevrons indiqués à 14% m’en dissuadèrent. Notre voyage n’était pas terminé et en forçant sur mon 36x30, position extrême déconseillée pour la chaîne, je ne voulais pas m’exposer en plus à une tendinite ou autre rupture physique. Ma coéquipière renonça, elle aussi, à devenir « maître » en allant attaquer seule la troisième montée, comme je l’incitais à le faire. Son altimètre indiquait 35° à l’ombre, c’était beaucoup trop pour elle, la montagnarde, préférant de très loin, un -10°. Elle m’accompagna donc à Belley, 17 kilomètres plus loin.

Là, le diagnostic fut pire qu’à Culoz. Ce n’étaient pas seulement les cheminées qui avaient fumé mais les filetages de l’étoile en alu de mon pédalier T.A. Véga qui avaient foiré !!!

Après réflexion, le mécano me fixa un rendez-vous pour le lendemain à 9 heures, s’engageant à trouver une solution.  Chose faite en 1 h 30 le lendemain. Grand merci, monsieur le mécano, car, si nous fûmes obligées de faire notre deuil du titre de « maître », tout à fait à notre portée vu notre forme à l’issue des deux premières ascensions, notre voyage continuait et, avec mon vélo lesté des ses sacoches, ce petit plateau m’était absolument indispensable.

Mon humour reprenant le pas sur ma mauvaise humeur, je dis alors à mon amie qu’il était quand même bien triste d’avoir été privée de Champagne pour mon anniversaire !

Tout à fait cinglée mais seulement aux 2/3 fêlée, une nouvelle membre très déçue de ne pas être devenue « maîtresse » du Grand Colombier.

 

Nicole Massol  (Cyclo Randonneur Albigeois) -  Juillet 2006

PS : Notre changement de programme nous a fait découvrir la route de Culoz que nous n’aurions pas emprunté. Nous regrettâmes de n’avoir pas commencé par là au lieu d’Anglefort car cette face présente un bien plus grand intérêt avec un passage panoramique en corniche.

 

Note de ma compagne de voyage :

Jamais je n’avais vu mon amie aussi enragée. Avec cette canicule qui sévissait, je bénissais la rupture de ce petit plateau qui me permit d’éviter cette troisième montée dans la fournaise ambiante, me « sacrifiant » magnanimement pour l’accompagner à Belley.
Si nous ne sommes que membres, nous sommes sûrement fêlées d’avoir osé ce défi dans cette atmosphère suffocante.

Maylis MESSAUT Espoir Lonsois (64)